Cabaret Kafka

Entre 1909 et 1913, Franz Kafka a beaucoup fréquenté les théâtres, cafés-concerts et cabarets pragois, en particulier le Café Savoy où se produisaient des klezmorim, musiciens juifs ambulants, chanteurs et comédiens d'un théâtre yiddish alors florissant.

Ces soirées eurent une influence décisive sur Kafka : l'intérêt pour la langue et la culture yiddish de l'Est correspond à la quête des racines pour ce jeune homme (il a 28 ans lors de la première rencontre) d'une famille en voie d'assimilation ; la thématique des spectacles vus est largement commentée dans le Journal. Les pièces ou opérettes, à sujet biblique, historique ou contemporain, traitent de l'autorité, de la trahison, du reniement, du châtiment : on en retrouve facilement l'écho dans les œuvres de Kafka, (par exemple le Verdict, écrit en 1912).

Kafka parle d'abondance de ces soirées, de son amitié pour le comédien-chanteur J. Löwy, " que je voudrais admirer à genoux dans la poussière ", qui l'initia à la culture yiddish, ou de son admiration amoureuse pour la comédienne Mania Tschissik.
C'est donc à partir d'extraits du Journal et de la correspondance, de certains Récits, que le Théâtre à Bretelles recrée l'atmosphère d'un cabaret klezmer, avec ses comédiens, musiciens et son Monsieur Loyal, personnages originaux inspirés de ceux que décrit Kafka. Il s'agit aussi de montrer un Kafka vivant, aimant " sortir ", rire et s'émerveiller d'une culture populaire. Il s'agit enfin de dire combien résonnent pour nous, aujourd'hui, ses désir et quête d'origines, et son sentiment de perte à ne pas les avoir connues d'emblée.

La dimension musicale est très importante : musique instrumentale (piano, accordéon, violon clarinette, cuivres) traditionnelle ou originale, chants lyriques ou populaires.
La dimension visuelle l'est tout autant : Kafka, spectateur et acteur, est présent sous l'aspect d'une grande marionnette, animée par un manipulateur à vue ; un petit castelet-théâtre fait se dérouler des images, on y accroche des toiles peintes…

En contrepoint des dialogues originaux, souvent vifs, échangés par les personnages-comédiens, le texte de Kafka, littéraire et intériorisé, est porté par la voix enregistrée de Daniel Mesguich.

Anne Quesemand